vendredi 26 avril 2024

L'ampoule

Soulever le couvercle

de la boîte

Y trouver une idée

Elle est peut-être neuve ?

 

Elle n’était pas derrière la tête

Non elle était dans la boite à idées

ça peut aider lorsqu’on est à court

et ça change les idées

 

Ce n’est pas une drôle d’idée

Peut-être une idée reçue

Mais qui l’a envoyée ?

A moins qu’on l’ait lancée (idée à la mode)

  

Voilà une idée à creuser, idée claire

Faudrait pas que ça devienne

une idée fixe qu’on caresse

ou l’idée du siècle, qui dure cent ans ?



lundi 22 avril 2024

Papier

 


Ses robes de papier
Tant et tant manipulées, 
Tant et tant jouées
Les attaches abîmées

La poupée dessinée  
Se sentait froissée
L’insatisfaction est  
Un parfum tenace

Elle y faisait face
Mais elle n’avait qu’une idée
Trouver la parade
Se sortir de là

Quitter les planches
Où elle prenait de l’épaisseur
Car elle en avait plein le dos
Elle y mettrait le temps

Quelques années sûrement
Trouver le sort, la formule, le génie, la lampe
Que ce vœu si cher soit exaucé
Et qui sait, enfin,
Prendre du volume
Changer de dimension
Trouver l’âme sœur
Qui lui ferait du plat 

dimanche 14 avril 2024

PLAGE DE BERCK

 Avec l'autorisation de l'auteur, je reproduis ici "PLAGE DE BERCK" un magnifique poème de Lucien Suel. 

Il est possible de le lire également au "SILO" blog de l'auteur ici
Vous y trouverez en supplément une vidéo d'une lecture publique faite par l'auteur. 





           "Plage de Berck" est un poème inédit écrit en 2022 d'après un tableau de Ludovic-Napoléon Lepic peint en 1877. Une première lecture de ce poème a été présentée le 25 novembre 2022 au Palais des Beaux-Arts de Lille, face au tableau. 
(Lucien Suel)



LA PLAGE DE BERCK


vaste étendue de sable mêlé de coquillages -  sur le rivage

un homme assis sur un pliant dessine le ciel qui

commence à s’assombrir

 

silence profond - quelques ronds concentriques troublent la surface des eaux -

les gouttes de pluie deviennent vite un déluge - l’artiste court -

trempé jusqu’aux os

 

des nuées d’orage roulent - masse sombre au-dessus du flot furieux -

le vent commence à siffler sous un ciel de plomb -

strié de noir

 

l’eau bouillonne entre les bancs de sable peuplés de phoques -

sur la plage - un reste de château-fort devient plus petit -

à chaque bourrasque

 

énormité des vagues - plumets d’écume blanche jaillissant de la jetée -

la pluie diminue - le temps s’éclaire - le vent reste violent -

tout est bouleversé

 

en surface - les vagues agitent les débris - galettes de goudron -

plaques de polystyrène - planches rabotées - sachets plastique - bidons - bouteilles vides -

foire aux détritus

 

ces épaves échoueront sur la plage ou rejoindront au cœur

de l’océan - le nouveau continent fondé sur un socle d'ordures

émergeant de l’eau

 

les créatures marines opéreront le tri sélectif dans les éléments

nutritifs - nouveaux maillons de la chaîne alimentaire - un recyclage écologique -

un développement durable

 

accompagnées par les cris des oiseaux marins - les âmes nomades

des noyés - venus du sud ou de l’orient - cheminent au-dessus

des vagues septentrionales

 

tout comme au commencement - l’esprit plane sur les eaux polluées -

le paradis occidental fantasmé demeure inabordable - qr code et cadenas-

au jardin d’Éden

 

***

 


 

Sylvia Plath prend des photos mouvantes - un jeu du soleil

avec les ombres - elle absorbe les images - enregistre le flux

splendide ou nostalgique

 

de ses visions - elle se sent paisible hors du cadre -

derrière son appareil photo - c’est elle qui définit le monde -

elle se déplace

 

pour capturer le rempart des bouchots plantés sur la grève -

sous le ciel de la côte d’opale - étonnantes formes enchevêtrées -

noires et moussues

 

seul mouvement - le sillage d’un bateau de pêche au loin -

sur la mer grise et calme - l’étrave la fend comme

une étoffe soyeuse

 

l’eau monte et baisse comme le soleil et les bateaux -

dans l'estuaire fangeux de l’Authie - odeur de fucus en putréfaction -

fourche à fumier

 

suivi par les goélands - un cheval traîne un tombereau d’algues -

un petit homme en cuissardes vertes avance dans une bâche -

flic flac floc

 

les vacances - foules de touristes agglutinés - en paquets - en grappes -

tous en même temps - dans les mêmes endroits - automobiles partout -

monde en folie

 

à l’automne - on en voit - pataugeant en bottes de caoutchouc -

dans la mer étale ou les champs boueux - glaneurs ramassant

crevettes ou patates -

 

***

 


 

Sylvia Plath aimerait se baigner - mais attention au courant d’arrachement -

danger - l’an passé - elle a bien failli se noyer - danger -

à marée descendante-

 

les avertissements étaient pour les autres - elle imaginait un bateau

la sauvant - mais elle sait que son corps n’aurait jamais

flotté jusqu’à Boston -

 

quelqu’un est mort - mort à voix basse - à marée basse -

quelques minutes de silence - dans ses poches détrempées - deux photos -

papa et maman -

 

sur le rivage - une silhouette féminine se découpe à contre-jour -

le peintre remballe son matériel - trois chiens trottinent en silence

sur le brise-lame

 

***

 


 

le capitaine d’aujourd’hui n’utilise ni sextant ni boule de cristal -

connexion au gps - au site de la météo marine - constellations

mises en ligne

 

l’avant du bateau poussé par les diesels monte et redescend -

traçant son sillon dans les creux entre les vagues déferlantes -

soc de charrue.

 

la flottille des bateaux de pêche progresse dans la brume -

silhouettes spectrales réduites à des éclats lumineux - intermittentes virgules vertes -

sur l’écran radar -

 

la longue caravane chaotique des icebergs détachés de la banquise

dérive vers la mer du nord - la manche - l’océan atlantique -

cubes de glace -

 

dans le bleu adorable - glacial et immaculé - la bise souffle -

une rafale soulève sable et débris de coquillages - elle crache -

crache au visage

 

la plage abandonnée s'allonge à l’infini - s’étire sous la nuée -

des phylactères de sable jaune filent parallèlement aux rouleaux d’écume -

paroles du vent -

 

sur la laisse de mer - chaque morceau de bois flotté -  

branche - palette ou planchette - chevron ou bastaing - caisse ou cageot -

raconte une histoire -

 

l’ourse polaire étale sa couverture blanche sous la voie lactée -

un voilier longe la côte le skipper contemple les étoiles -

le baudrier d’Orion -

 

les nuages se transforment en fumerolles rosées dans l’eau stagnante

des bâches - taches virtuelles glissant les unes sur les autres -

Berck bathing beauties -

 

sur d’autres plages - on attend sans mot dire - les mains

nouées dans le dos - les canots pneumatiques arrivant le soir -

dans le noir -

 

***

 

Sylvia Plath ouvre grand la fenêtre pour sentir le vent

se glisser dans ses cheveux dénoués - caresse de l’air marin -

parfum de l’océan

 

long chemin vers la plage - la crique de sable blanc -

la mer - le sable sous ses pieds - son regard perdu -

dans l’éternité grise -

 

prendre le large - marcher entre les dunes - loin des regards -

dans sa robe blanche et bleue - immensité de la plage -

camaïeu de beige -

 

un troupeau de cumulus piaffe dans les flaques d’eau -

ralenti de cinéma - ombres et lumières passant sur les oyats -

bout du monde -

 

***

 

sur la digue - avec une craie du crétacé - les filles

ont soigneusement tracé une marelle blanche - terre ciel bois goudron -

les quatre éléments -

 

le palet - poussé du pied - traverse les cases - le vent

d’ouest fait claquer le linge sur la corde - les robes

à volants virevoltent -

 

les enfants s’égosillent - penchée en avant - et son déséquilibre compensé

en levant une jambe - petite Sylvia vise la septième case -

saute et saute -

 

bravo - la voie est libre - la porte dans les nuages

va s’ouvrir pour accueillir la fillette - just behind the rainbow -

paradis des mouettes -

 

demoiselle - au prochain palet - au prochain lancer - au prochain pas

chassé - saute - tu iras au ciel - passe passe petite passe

la dernière restera -

 

marelle effacée - numéros délayés dans la pluie - dans le temps -

Sylvia a grandi - épousé un poète à Londres - est revenue -

puis a disparu

 

le plaisant écho des souliers vernis résonant sur le macadam

de l’esplanade - a évolué en ondes minuscules - inaudibles - s’aplanissant - s’éloignant -

dans le temps -

 

***

 

ligne de bécasseaux parallèle à la côte - avançant et reculant -

un chien aboie dans leur direction - le bruit des vagues

est plus fort -

 

un cerf-volant jaune doré se reflète dans les yeux noirs

d’un garçon - cerf-volant planant entre moutons d’écume et merveilleux nuages -

blanc et blanc

 

marée basse - vers les rouleaux lointains - torse et pieds nus -

en short noir - le garçon court sur le sable compact -

crevassé de ripple-marks -

 

ses pieds claquent sur le sol dur - la brise effleure

ses épaules - il cisaille les flaques - soulevant des gerbes d’étincelles

luisantes et colorées -

 

le soleil couchant et un sourire angélique éclairent son visage -

il accélère en approchant la mer - y pénètre en levant

haut les genoux -

 

cœur cognant - le garçon tombe sur le ventre - mains levées -

il brasse l’eau - puis se retourne - la mer le berce -

la mer l’apaise -

 

***

 

promenade - de Berck à Merlimont et retour par la plage -

l’artiste a loué une chambre à l’hôtel Bellevue sur l’esplanade -

phoques à l’horizon -

 

Sylvia Plath caressait l’idée de s'embarquer pour la pêche - mais

sans autorisation du préfet maritime - aucun capitaine n’a voulu d’elle -

femme - poète – déprimée -

 

crabe mort dans une coque - noyés ensemble - appel de détresse -

s.o.s - fosse commune - fosse sous-marine - oceano nox - le soleil disparaît -

lui aussi – englouti -

 

tout comme Vénus - la pluie naît de la mer - tombe

sur la terre - s’infiltre en elle - pour rejaillir en source -

et tout recommence -

Lucien Suel

La Tiremande, octobre 2022




mercredi 10 avril 2024

Ambiance étrange et scène désertée

 


Le mur tapissé de la pièce déserte 

Une trace vague d’humidité diffuse

 

L’ombre tenace du silence feutré

La piste éteinte de l’écho empêché

 

Le halo sourd de la lampe jaune

Le filament ténu d’une piste effacée

 

Le pied bancal de la chaise inoccupée

L’équilibre aqueux d’un sol incertain

 

Les plis verts de la veste pendue

Les arêtes souples d’un regard obscurci   

 

Les pans souples du rideau tiré

Le regard posé de l’écran déployé

 

Le portrait mystérieux de la femme brune

La recherche folle de son nom enfoui

 

L’enveloppe scellée de la lettre manuscrite

La trame encrée de la feuille pliée

 

Le calme étrange de l'espace vide 

La lumière tamisée de l’impossible oubli

 


samedi 6 avril 2024

Actif

 




Manuel de Survie, l'écureuil du coin, 
était une véritable attraction.
Avec panache, 
il tirait les couvertures à lui et engrangeait pour l'hiver. 
Près du parc, 
la boîte à livres faisait au moins un heureux.

mardi 2 avril 2024

Rouler



Trois amies s’étaient lassées de la course en sac
D’abord Paulette avait lâché la bicyclette
Colette ensuite avait vendu sa trottinette
Et enfin les patins qu’avait largués Odette
Dormaient fourbus dans un quelconque bric à brac
Le poulailler se disait « oh mais quel micmac »
 
Mauvaises langues au chaud bullant dans leur hamac   
Imaginant des sornettes du tac au tac
Pour les commères à l’affut, fut-ce le couac
Qu’avides elles guettaient depuis belle lurette ?
-Vous savez bien sous la houlette de Paulette
La perdition sera le lot des trois girouettes
Parler sans savoir et travailler du chapeau
Raconter n’importe quoi, ah c’est pas très beau
 
Les trois s’étaient simplement mises à la planche
Une course, deux, trois, la belle ou la revanche,  
La vitesse grisait, nouvelle sensation  
Le vent de front, c’est une autre paire de manches
Elles descendaient toujours à fond, bille en tête
Les dimanches filaient comme sur des roulettes