samedi 18 février 2023

SONNERIES

 

-Allo, ici cabine 1

-Oui, c’est pour quoi ?

-La boîte aux lettres est en panne.

Bip

-Ne quittez pas, allons bon…allo oui ? 

-Ici cabine 2

-Je vous écoute

-Je me suis présenté pour la rançon, toujours personne, le ravisseur ne me rappelle pas.

Bip

-Allo oui, ne coupez pas, allo ?

-Ici cabine 3.

-Que puis-je pour vous ?

-J’ai un problème la cabine d’essayage ne redescend pas, je suis bloqué au 3e.

Bip

-Ne quittez pas, trop tard… Allo oui, bonjour !

-Ici cabine 4.

-Oui, je vous écoute.

-Je n’arrive pas à prendre ma douche dans la cabine téléphonique et pourtant j’ai décroché.

Bip

-Ne quittez… (…) allo oui, j’écoute !

-Ici cabine 3.

-Alors ?

-Oui, je suis au deuxième ça va mieux mais ça a rebloqué et j’arrive pas à poster ma lettre.

Bip

-Ne quittez pas, encore ! Allo oui allo...

-Ici cabine 5.

-J’écoute, de quoi s’agit-il ?

-C’est le ravisseur de la cabine 2, je suis coincé dans la cabine de bain et on m’a piqué mon maillot. Vous pourriez me passer ma victime ? C'est pour la ...

Bip

-Coupé. Allo ?

-Ici cabine 6.

-Que se passe-t-il ?

-Allo c’est la…

-Ne quittez pas, allo oui ? Allo, plus fort je ne vous entends pas, on ne m’a pas pété mes lunettes mais il y a comme un charivari au centre d’appels…

-Allo, c’est la boîte aux lettres, devant la gare, j’ai trois cabines téléphoniques autour de moi, mais c’est des loups déguisés, je le sais, j’en suis sûre, elles veulent me bouffer, elles me prennent pour le vilain petit canard rouge. Aaah...

 

Biiiip    biiiip    biiiip …

mardi 14 février 2023

TRANSPLANTATION - Russell Banks

 Cette nouvelle est tirée du recueil suivant :

 


paru chez Actes Sud. Publié en 2016, 240 pages. 

A l'origine, différents auteurs étrangers ont participé à une série estivale pour Le Figaro (c) et leur était imposé le point de départ pris dans l'Odyssée: 

« Ulysse prit le sentier rocailleux qui monte à travers bois, du port vers la falaise. Il allait à l'endroit qu'avait dit Athéna… » Haut du formulaire

-  -  -  - 

Le sentier de gravier montait du parking en serpentant à travers un bouquet de peupliers. Depuis le siège du passager, dans le monospace, Howard repéra le monument au sommet de la colline : une structure en granite, de la taille d'un homme, qui commémorait le massacre par les puritains d'un groupe d'Indiens Narragansett. Il vit ensuite la silhouette d'une femme debout près du monument. Elle portait un jean et un poncho en Nylon jaune vif avec sa capuche. Se tournant vers la femme assise au volant, il lui dit : « Je sais pas, Betty. Je marche pas tant que ça, d'habitude. »

Elle se pencha, lui ouvrit la portière et lui tendit sa canne.

« Ce n'est pas bien loin. Elle vous attend.

Et si vous montiez pour la faire descendre, plutôt ?

Vous avez besoin d'exercice, Howard. Et puis, c'est vous qui avez organisé ça. C'est votre affaire.

Non, c'est l'affaire du docteur Horowitz », répondit-il. Il prit sa canne et se glissa hors du monospace. Tout ça, c'est de la folie, pensait-il. Je suis invalide. Qu'on me laisse tranquille. Cette femme n'a pas à me coller ses ennuis ; j'en ai assez des miens. Il chancela un instant, puis redressa les épaules et gravit lentement le sentier en direction de la femme au poncho jaune.

Il ne s'était pas attendu à une telle journée. Vers dix heures du matin, Betty était entrée dans sa chambre sans frapper, comme d'habitude, et, tirant les rideaux, elle avait laissé la lumière inonder la pièce.

« Vérifions les fonctions vitales, avait-elle dit, voyons si vous êtes prêt pour une promenade dans le parc, aujourd'hui. Le médecin l'ordonne. » Elle remonta la manche du pyjama de Howard et prit sa tension. C'était une femme brusque au visage carré et rose, aux cheveux blonds parsemés de gris, coupés à la Jeanne d'Arc avec une frange. Howard trouvait sa coiffure ridicule. Au milieu de la quarantaine, Betty avait quelques années de moins que lui.

Après un début difficile, ils étaient devenus amis. Il aimait la personnalité tranchante et directe de cette femme et son rire bref, comme un aboiement, quand il résistait à ses efforts pour le faire lever, l'obliger à bouger, à respecter son régime, à boire huit verres d'eau par jour, à se déplacer sans canne dans la maison mais avec une canne dehors. Un certain degré d'irritation était agréable à Howard. Betty refusait de se plier à son humeur, et il en était réconforté. Pas grand-chose d'autre ne le réconfortait, cependant.

« Vous avez un coup de fil à passer, lui dit-elle en lui mettant le thermomètre sous la langue. Le docteur Anthea Horowitz veut vous parler. Au fait, c'est quoi, comme nom, Anthea ? Elle est juive ? Elle sortit le thermomètre, vérifia la température puis le secoua. Trente-six six. Douze huit de tension. Vous êtes encore en état de fonctionner, Howard.

J'en sais rien. Peut-être scandinave. Ou bien oui, dit-il, ça pourrait être juif. Passez-moi le téléphone. »

Depuis qu'il avait quitté l'hôpital, tous les matins avaient été pareils. Il savait dès son réveil où il était et pourquoi, mais il ne parvenait pas à se rappeler exactement comment il était arrivé là. Ce n'étaient pas les médicaments antidouleur il n'en prenait plus depuis presque cinq semaines. Ça devait être les séquelles de l'anesthésie.

Il y avait de grands blancs, dans sa mémoire, qui changeaient de zone chaque jour, sans prévenir. Tous les matins, il se rappelait soudain quelque chose dont il avait été incapable de se souvenir la veille : son numéro de téléphone portable ou le nom de son journal quotidien. Puis, une ou deux heures plus tard, il remarquait de nouveaux blancs : il ne se souvenait plus de la marque de sa voiture, de son numéro de sécurité sociale, du nom de ce mystérieux légume charnu qu'il voyait dans le frigo. Le blanc qui recouvrait son passage, en mars, de l'hôpital à la maison d'été de sa belle-mère était toujours là, semaine après semaine, mois après mois. Howard n'avait aucun souvenir de ce qui s'était passé. Ce qui l'inquiétait.

Il était pourtant au courant des faits. Janice, son ex-femme, et la mère de Janice les lui avaient expliqués au téléphone. Le docteur Horowitz l'en avait informé en personne, ainsi que son infirmière, Betty O’hara. Il pouvait les répéter à toute personne désirant savoir pourquoi il vivait seul dans un pavillon de bord de mer à Cohasset Harbor. L'explication était simple. Il ne pouvait pas retourner dans sa maison de Troy, New York, parce que la transplantation avait eu lieu à Boston et, tant qu'il se rétablissait, il devait rester sous la surveillance du docteur Horowitz et de son équipe. Betty lui faisait tous les jours une prise de sang et le conduisait une fois par semaine à Boston où l'on vérifiait qu'il ne faisait ni infection ni rejet. Son assurance couvrait le salaire de Betty mais pas la location d'un appartement ou d'une maison dans la région. Et, pour l'instant, il était sans emploi. Il avait travaillé comme représentant d'un éditeur dans le Nord-Est, pratiquement en tant que voyageur de commerce, mais c'était un poste qu'il ne pouvait plus assurer. Il était dans une mauvaise passe, disait-il volontiers. Heureusement, puisant dans un reste d'affection, son ex-femme avait persuadé sa mère de laisser Howard venir dans sa maison d'été. Tout cela, il le savait, mais il n'arrivait pas à se souvenir de son entrée dans la maison, de son installation.

Il n'eut cependant aucun mal à se rappeler le numéro de téléphone du bureau du docteur Horowitz. Assis dans son lit, il le composa et dit à la réceptionniste qu'il rappelait le docteur. Quelques secondes plus tard, Anthea Horowitz prit la ligne.

« Howard ?

Oui. Bonjour.

Comment allez-vous cette semaine, Howard ?» Elle lui parut plus hésitante que d'habitude. Ce n'était pas bon signe.

« Bien, je crois. Pas de problème. Pourquoi, mes analyses ne sont pas bonnes ?

Non, non, non. Tout est parfait… Howard, je vous transmets une demande. Ce n'est pas une demande habituelle, mais je dois la transmettre. Vous comprenez ?

Oui, enfin, presque.

La femme… la veuve de celui qui a donné votre cœur… ?

Mon cœur ?

Oui. Elle voudrait vous rencontrer. »

Ils restèrent tous les deux un instant sans rien dire. « Quoi ? Elle veut me rencontrer ?

Oui.

Pourquoi ?

Je ne lui ai pas donné vos coordonnées. Je ne peux pas le faire sans votre autorisation. J'ai seulement accepté de transmettre sa demande. C'est tout.

Je crois pas… Je ne sais pas si je suis assez fort pour ça.

Je comprends, Howard. Je sais que vous avez été déprimé. Ce n'est pas inhabituel.

C'est pas comme si le cœur avait été adopté et comme si elle en était la mère biologique, ou quelque chose comme ça.

À vous de décider. Ce n'est pas vraiment inhabituel, vous savez.

Quoi donc ? D'être déprimé après une transplantation cardiaque ?

Ça aussi, oui. Mais je veux dire que le donneur veuille rencontrer le receveur.

Ce n'est pas elle, le donneur », dit-il. Tout ce qu'il savait sur ce cœur avant qu'il ne soit le sien, c'était qu'il avait appartenu à un homme de vingt-six ans décédé de blessures à la tête après un accident de moto. Cet homme, couvreur à New Bedford, était marié et père d'un très jeune enfant. Et il ne fumait pas, lui avait garanti le docteur Horowitz. Plaçant sa main droite sur son cœur, Howard en sentit le battement solide. C'est mon cœur, quand même ! Il appartient à Howard Blume, pas à un pauvre gosse tombé de moto, qui a heurté le trottoir de la tête et qui est mort. Il déclara : « Il faut que j'y réfléchisse.

Bien sûr. Elle a dit qu'elle vous rencontrerait là où vous voulez. Elle est jeune, à peine vingt-deux ans, et je suppose qu'elle est seule au monde. À part son petit garçon. J'ai dans l'idée qu'elle n'a pas accepté la mort de son mari, qu'elle n'a pas fait son travail de deuil. Ce n'est pas inhabituel. Il se peut que quelqu'un lui ait dit que vous rencontrer l'aiderait. Peut-être son thérapeute.

Son travail de deuil, je ne sais pas ce que ça veut dire. » Son divorce avec Janice, qui avait eu lieu sept ans plus tôt, lui vint à l'esprit. La fin d'un mariage bref mais parfait, détruit par les liaisons et les flirts qui avaient suivi le refus de Howard d'arrêter de voyager pour vivre et travailler près de chez lui, peut-être diriger une librairie, se transformer en homme domestique, en mari fidèle parce que surveillé, en mari rassurant parce que vigilant. Howard estimait qu'il s'était marié trop tard pour pouvoir changer sa façon d'être. Les femmes le trouvaient attirant bien qu'il soit froid et égoïste, et il avait souvent trompé Janice, jusqu'à ce que Janice finisse par le tromper à son tour, tombe amoureuse d'un de ses amants, et maintenant elle était mariée à cet homme dont elle avait deux enfants voilà.

Quand il vous arrive un truc épouvantable et que c'est votre faute, bon sang, on fait pas de travail de deuil, se dit-il. Ce qui s'est passé, c'est à vous de vivre avec. Il avait traversé seul ses trois crises cardiaques, une opération à cœur ouvert pour un pontage coronarien et, un an plus tard, la détérioration du cœur même. Et maintenant la transplantation. Tout cela, d'une certaine manière, résultait du fait qu'il avait détruit la seule chose vraiment bien qui lui soit arrivée, son mariage avec Janice. Ni les crises cardiaques, ni le pontage, ni la transplantation n'auraient eu lieu, pensait-il, s'il n'y avait pas eu le divorce. C'était une superstition, il le savait, mais il ne pouvait pas s'en défaire.

Cette jeune femme, en revanche, n'avait pas provoqué l'accident de son mari, le désastre qui l'avait frappée, elle. C'était la faute de son mari. Peut-être le travail de deuil pour autant qu'on sache ce que c'est était-il possible pour elle. « Je suppose que je lui dois beaucoup, pas vrai ? Bon, c'est quand même elle qui a pris la décision de donner les organes de son mari. »

Quand il arriva près du monument, sur la colline, il haletait, s'appuyait beaucoup sur sa canne, et son cœur cognait. « Il est à qui, ce cœur, à la fin ? Mais, bon Dieu, à qui est le cœur qui bat en moi ?» Le cœur n'était pas à lui, mais il n'était pas non plus à quelqu'un d'autre. Jusqu'alors, Howard avait réussi à ne pas se poser cette question. Maintenant, depuis qu'il avait accepté de rencontrer cette femme, il ne pouvait s'empêcher de la poser et comprenait pourquoi il l'évitait depuis si longtemps. C'était une question à laquelle il n'y avait aucune réponse. Aucune. Il eut peur de ne plus jamais pouvoir dire à qui appartenait le cœur qui le maintenait en vie.

Il se dirigea vers le côté du monument où attendait la femme au poncho jaune. Elle était toute menue jusqu'à paraître fragile, presque enfantine, avec de petites mains et des poignets à la fois fins et osseux. Assez jeune pour pouvoir être sa fille, se dit-il. Au lieu d'un sac à main de femme, elle tenait un sac à livres en tissu vert. Elle avait une peau pâle et de grands yeux bleus, et il ne vit pas sur elle de maquillage ni de bijoux. De courtes mèches de cheveux cuivrés lui balayaient le front, et Howard se rappela son prénom : Penny. Un diminutif de quoi ? Pas de Pénélope. Probablement d'un prénom irlandais, pensa-t-il.

«C'est moi Howard Blume, dit-il. Je suppose que vous êtes Penny ? Je voulais dire Mme McDonough.» Il tendit sa main droite et elle lui donna la sienne, froide et mesurant la moitié de celle de Howard.

«Oui. Merci, monsieur Blume, d'avoir accepté de me rencontrer.» Elle avait l'accent monocorde du sud-est du Massachusetts. Elle regarda les yeux de Howard, mais pas en eux c'était comme si elle l'avait déjà rencontré il y avait longtemps et tentait de se rappeler où. «Je suis désolée que vous ayez dû monter jusqu'ici, dit-elle. Je n'étais pas sûre que c'était vous, sinon je serais descendue.

Pas de problème. J'ai besoin d'exercice.»

Elle sourit sans desserrer les lèvres. «À cause de l'opération, bien sûr. Vous allez bien ? Je veux dire…

Oui, je vais bien, dit-il en lui coupant la parole. Bon, ce n'est pas très facile pour moi, mais je tenais à vous dire combien je vous suis reconnaissant de ce que vous avez fait. Je ne sais pas pourquoi vous vouliez me rencontrer, mais moi, il y a une raison pour laquelle je voulais vous rencontrer. Pour vous dire merci.

Vous n'avez pas à me remercier. C'est Steve, mon mari… c'est ce qu'il aurait voulu.

Oui, bon, je suppose que je devrais le remercier aussi.» Il s'interrompit un moment, puis : «Ce devait être quelqu'un de bien. Qui pensait aux autres.»

Elle ramena son sac devant elle comme si elle allait l'ouvrir. «J'aimerais vous demander un service, dit-elle. Je peux ?

Ouais, bien sûr ? Pourquoi pas ?

Je voudrais écouter votre cœur. Le cœur de Steve.

Ouh là ! Écouter mon cœur ? C'est… bon, est-ce que c'est pas un peu… bizarre ?

C'est très important pour moi. Plus que vous n'imaginez. Je vous en prie. Juste une fois, juste cette fois.» Elle ouvrit son sac et en retira un stéthoscope blanc et noir qu'elle tendit à Howard comme une offrande.

«Je sais pas. C'est un peu douteux, je trouve. Vous pouvez bien le comprendre, pas vrai ?» Howard regarda en bas, vers la voiture. Il ne voulait pas que Betty voie ça. Il voulait que personne ne voie ça.

« Je vous en prie, dit-elle à voix basse. Je vous en prie, laissez-moi le faire. » Elle repoussa sa capuche et fit passer les extrémités recourbées et caoutchoutées du stéthoscope autour de son cou.

Howard resta muet. Il se contenta d'accepter d'un hochement de tête. Elle plaça les embouts du stéthoscope dans ses oreilles et s'avança vers lui.

«Voulez-vous défaire votre chemise ?»

Il tira sa chemise hors de son pantalon et la déboutonna entièrement. Pourquoi je lui laisse faire ça, bon sang ? Je pourrais dire non et m'en aller, pensa-t-il. «Et mon tee-shirt ? Vous voulez que je le relève ?

Non, dit-elle avec fermeté. Je ne veux pas le voir.»

La pièce qui allait sur la poitrine, au bout de l'instrument, avait la forme et la taille d'un petit biscuit. Rapidement, comme si elle avait tout répété, la jeune femme la posa juste sur l'incision du thorax. Puis elle ferma les yeux et écouta. Des larmes coulèrent sur ses joues. Howard l'entoura de ses bras et l'attira contre lui. Il se sentit alors trembler et comprit qu'il pleurait à son tour. Plusieurs instants passèrent ainsi, puis la femme ôta de ses oreilles les embouts du stéthoscope et pressa le côté gauche de son visage contre la poitrine de Howard. Ils restèrent ensemble un long moment, secoués par le vent qui venait du port, chacun serrant l'autre dans ses bras en écoutant le cœur de Howard.

Une pluie légère avait commencé à tomber. Dans le parking, Betty contourna l'avant du monospace, jeta un coup d'œil à sa montre et leva les yeux pour regarder le couple. Au bout de quelques instants, elle retourna vers sa place de conductrice, monta dans la voiture et continua à attendre.

Traduit de l'anglais (États-Unis) par Pierre Furlan

 

 

 

(c) Russell Banks

vendredi 10 février 2023

NOUVELLES

Le 13 décembre dernier, en publiant le texte AVANT PENDANT APRÈS, j'ai évoqué l'atelier d'écriture que j'ai rejoint au mois de septembre 2022 et qui fonctionne une fois par mois pendant trois heures. 

Un atelier "en vrai" avec des vrais morceaux de gens dedans (incomparable), du papier, des stylos ou des crayons, des consignes et des thèmes, et du partage. Bon, un régal. 

Les deux prochains ateliers traiteront de la nouvelle, nous allons voir comment en écrire et je suis assez impatient d'aller croiser sur des terres qui à priori ne sont pas ma prédilection, au contraire de la brièveté, de la concision, en bref, de l'ultra court. 

Ces jours-ci, dans la perspective de l'atelier du 11 février, nous avions des "devoirs". Nous devions choisir une nouvelle et en dégager l'architecture.

Je me suis demandé ce que j'allais choisir. 
Je me suis vite réuni et, quelques instants de réflexion plus tard, je me suis dit que j'allais sélectionner une nouvelle que je connaissais plutôt qu'une nouvelle inédite. 
- D'accord, me suis-je auto-répondu. 

Cela me paraissait de nature à faciliter la tâche.
J'ai donc pensé à des nouvelles que j'apprécie et que je suis capable de citer spontanément, car marquantes, essentielles, inoubliables.
 
Quatre se sont détachées, il y aurait pu en avoir d'autres, bien sûr. Non pas à leur place, mais en plus, dans la sélection !
 
Ce fut l'occasion de les relire attentivement, plaisir supplémentaire. 
 
Leurs titres : 
Continuité des parcs, Un aller simple pour Roubaix, La modestie, Transplantation.

Voici -dans l'ordre- les recueils d'où elles sont tirées. Vous trouverez facilement sur la toile des informations sur chacune d'elles. 
 
Celle de Cortazar à mes yeux est un chef d’œuvre. 
Cette très courte nouvelle raconte l'histoire d'un homme d'affaire qui est en train de lire un roman. Confortablement assis dans un fauteuil de velours vert, avec une vue sur un parc planté de chênes, il est absorbé par l’univers de la fiction, victime consentante d’une jouissive « illusion romanesque »...
 
Celle de Lucien Suel est un trésor d'épure aux forts parfums d'enfance. Située fin du XIXe siècle, elle donne la parole au jeune Albert Decouvelaere dont la famille quitte la campagne flamande pour s’embaucher dans les filatures naissantes..
 
Celle de Vila-Matas conte les mémoires d'un voleur de phrases d'autobus, ce qui donne le ton de l'approche surréaliste et décalée de l'auteur, qui semble discuter, flâner, mais en sachant que les dernières lignes sont magnifiques d'émotion et de profondeur.

 
Mon choix s'est finalement porté sur la nouvelle de Russell Banks. 
Un homme, Howard, va rencontrer après une transplantation cardiaque la veuve du donneur qui a une requête à lui formuler. 
Magnifiquement raconté, avec là encore un sommet d'émotion au bout.
 
Nul doute que je vous en dirai un peu plus juste après les ateliers !  
 
Mais que cela ne vous empêche pas de me dire ce que vous choisiriez si vous étiez dans cette situation !

vendredi 3 février 2023

HELP

 


Je me suis enlisée dans l’alphabet

Je coule et croule

Sous les signes typographiques

Les abréviations et les raccourcis

 

La main page 653 faisait des signes

Des pieds peut-être

Des mains sûrement

Comme perdue dans un océan de papier

Elle tentait de s’extirper de l’aspiration

S’était réfugiée dans les marges  

Et, erreur funeste, tournait tournait

Elle regrettait amèrement

De s’être embarquée dans le dictionnaire

Un Larousse édition 2005 pour le centenaire

Elle s’en voulait

De s’être engagée dans les sables mouvants

De cette recherche, quelle occasion manquée quel temps perdu…

 

L’ironie page 595 de l’histoire

Est bien qu’au temps T le Témoin

Venu de la page 1043

pour la sauver 

ne savait pas nager.

Y eut-il jamais plus cruelle 

plus cinglante illustration

De l’expression 

« perdre la main » ?