POURQUOI
J’ÉCRIS est un très bon sujet,
sans doute idéal pour se confier un peu, si l'on veut.
J'en saisis l'opportunité avec plaisir, c'est l'occasion de relire et de reprendre des fragments et des propos déjà publiés ici et là, et je
vous préviens, je n'irai pas plus loin, euh je serai plus long que d’habitude, si vous avez repéré
mon appétence pour les textes plutôt brefs !
J’écris parce que j’en
ai envie.
J’écris parce que j’aime
ça.
J’écris parce qu’un jour
à l’école il y a eu un déclic, un déclenchement en deux temps.
Deux chocs successifs pour l'écriture. J'étais en CM2 donc puis en 6e.
Je me rappelle fort bien l'ennui incommensurable, le désintérêt profond que
j'éprouvais pour ces satanées rédactions. Le supplice pour arriver à aligner deux mots vaillants. Et puis, un jour, le maître nous donne comme sujet le résumé d'un livre qu'on a
bien aimé. Et là, ça me parle.
Alors voilà, ce jour-là, je me suis mis à résumer le
Comte de Monte-Cristo. Deux pages du petit cahier, je me rappelle le boulot,
parce que « je ne vous raconte pas » (enfin si !). Petit inconscient, quelle affaire ça a été de faire
tenir tout ça en deux pages ! Mais j'y suis arrivé. Me surprenant moi-même en plus
du maître !
L'année suivante, autre déclic, avec la prof de
Français au collège.
Même topo, toujours l'ennui et puis le sentiment des
profs que je pouvais mieux faire (ben tiens !).
Un jour elle nous donne un sujet d'enfer. En tout cas
qui me parle.
Imaginer un nouvel épisode des aventures de Tartarin de Tarascon, qu'on venait
de lire.
Et là, nouveau déclic.
Je me rappelle avoir inventé une histoire où Tartarin,
fanfaron, se fait percer à jour.
Il raconte une histoire à dormir debout,
ça se passe dans une diligence dont un passager sait que Tartarin ment.
C'est lui l'auteur réel de l'exploit, malchance donc pour Tartarin qui se fait
traiter de "mystificateur". Je me rappelle très bien avoir
utilisé ce mot que j'avais lu auparavant dans une BD ! Et Tartarin se fait expulser de la diligence !
Pareil, grand moment inespéré, la prof qui me file une bonne
note, qui n'en revient pas...moi non plus ... Tiens, puisque j’y suis, je peux même révéler, parce
que cela me revient et que je ne l'ai pas dit, que j'en étais un peu amoureux
(une brune, ses jambes, elle s’habillait court, bref... !) et qu'elle avait le
jour de Tartarin pris le parti de venir s'asseoir près de chacun pour faire le
point dans la phase d'écriture, avec le risque que l'élève (alias bibi) se
retrouve rouge pivoine, atrocement gêné par cette proximité jamais imaginée une
seconde.
Quand j'y repense, j'avais trouvé et ouvert une porte
en ces deux occasions.
Mon rapport à l'écriture vient peut-être pour partie
de là.
Et la porte ne s'est jamais refermée.
Et donc, depuis…
J’écris parce j’ai
toujours un stylo sur moi.
J’aime écrire et c’est devenu
courant, normal, je le fais comme si je partais me promener, comme si je me
mettais à bricoler, ou courir, ou faire du vélo, ou comme si j’allais à la
pêche.
J’écris parce que j’ai acquis une certaine assurance pour le
faire.
J’écris parce que j’aime
aussi essayer de faire rire.
J’écris pour être lu
mais pas seulement, je continue si je ne le suis pas.
J’écris parce que les
mots et moi c’est une longue histoire et un travail d’équipe.
J’écris parce que j’aime
jouer avec les mots, même si parfois ils se jouent de moi.
J’écris parce que c’est
moins loin.
J’écris parce que c’est -parfois-
plus profond.
J’écris parce que j’aime
ce qu’a écrit Orhan Pamuk « J’écris pour être heureux. »
J’écris parce que les
paroles s’en vont.
J’écris parce que j’aime
les auteurs de l’Oulipo.
J’écris parce que dans les ateliers d’écriture on
peut partager, échanger à partir d’une contrainte. J’y écris parce que j’en aime
le processus, le thème et la contrainte nous obligent, et poussent dans des
retranchements auxquels on ne peut se soustraire.
J’écris parce que c’est mon laboratoire, mon jardin, ce
n’est pas secret mais discret.
J’écris parce que j’aime bien chercher, inventer, imaginer, que je m’intéresse
toujours à la question de « savoir arrêter », garder des trous, ranger sa
pelle, ne pas trop polir pour être honnête, couper court, ne pas trop en faire.
J’écris parce que j’aime aussi ce qu’a dit Borges :
« J’écris pour moi, pour mes amis et pour adoucir le cours du temps ».
J’écris parce que j’aime l’improviste qui surgit, je ne le soupçonnais pas quelques
secondes avant, comme de l’improvisé « sorte de jazz est là » pour peu qu’on le
laisse s’installer, un fil pas imaginé qu’on tire, et qui rend content, qui peut
s’étirer ou casser certes, mais c’est avant tout inattendu, ça prend un angle ou suit un
schéma souterrain, capte un rythme, repère une brèche où s’engouffrer, où aller, c’est ce qui tombe
sous la main qui passe par la tête…
J’écris parce que tout est possible.