vendredi 27 mai 2022

AQUATIQUE

Après RIVIERE, 
filons la métaphore aquatique !
 
En partage, un extrait de l'album instrumental , 
le bien nommé SPEECHLESS, 
de Bruce Cockburn, artiste canadien 
qui me semble quasiment inconnu ou méconnu 
par ici... 
 
Je ne sais absolument plus comment
fin des années 1990, je suis tombé dessus...  

 

 

 

mercredi 18 mai 2022

RIVIERE

Je suis particulièrement heureux de commencer mon nouveau blog TEXTURES avec cette note de lecture à propos du roman Rivière de Lucien Suel, paru aux éditions Cours Toujours en mars 2022.

Rivière - Lucien Suel - Babelio 

 

 

Rivière. Jean-Baptiste Rivière.

En quatrième de couverture, lorsque je lis ce nom, immédiatement le flot du Jourdain me vient à l’idée.

Sans savoir le moindre mot de la prose poétique que contient le roman.

A la lecture, je serai heureux un peu plus tard d’en trouver une évocation.

 

Dans le roman Rivière, le deuil est omniprésent. 
Complexité, Le deuil cela ne se partage pas vraiment.  
Claire, l’amour de Jean-Baptiste, l’âme-sœur, est décédée brutalement avant ses 50 ans.   
Nous revivons les débuts.
En 1970, l'histoire commence par le mariage de Jean-Baptiste avec Claire. Ils se déplacent en 2 CV, Nord, Sud, Ardèche, Artois et même l’Italie. Ils visitent leurs amis, les aident à construire leur maison. 
Il y a la culture, l’art, les livres (j’ai bien aimé leur système décalé pour lire les auteurs de polars suédois Maj Sjöwall et Per Wahlöö qui ont créé Martin Beck) et …la musique.
 
Et quelle musique.
Ah, quelle jubilation à la lecture de certains noms des groupes de musique qui ont pavé en partie mon propre parcours musical, pour la plupart des artistes rencontrés, génération oblige, après coup. 
C’est le sujet d’un chapitre magique sur le festival d’Amougies, près de Tournai.

« Les hippies d’Europe » affluent par milliers, Claire et Jean-Baptiste sont de la partie. Côté groupes français, Ame Son est le seul nom connu pour moi, voisinant avec Moving Gelatine Plates, Blossom Toes, Chaos Rampant. La douce folie de ces noms qui marquent l’époque m’évoque Van Der Graaf Generator.

A l’affiche du festival, aussi, les anglo-saxons, et je connais un peu mieux, je suis plus « à l’aise », avec Archie Shepp, Don Cherry, l’Art Ensemble of Chicago, Franck Zappa, Pink Floyd, Pretty Things, Keith Emerson et surtout Captain Beefheart.

Ce sont des noms qui sonnent à mes oreilles, et si certains sont présents dans mes étagères, hélas ils ne sont pas parmi les 33 tours survivants. Mais ils sont bien là.  

Grâce à Jean-Baptiste et Claire, je me replonge avec délice dans la fin des années 60, début 70, ce moment prodigieux pour la musique. Même si je ne me tiens jamais très loin de ces plages, de ces rives.

Claire est toujours là. Même si Claire est décédée brutalement avant ses 50 ans.

Car Rivière c’est aussi, en quatorze passages, peut-être quatorze écluses (je n’ose dire stations), quatorze textes d’elle, Claire, qui s’intercalent régulièrement et qui rythment le récit au point qu’on se surprend à les attendre, telles des lettres qui font partie du fil, qui sont le fil.
C’est du temps qui ne compte pas, c’est une mémoire qu’on n’efface pas.

Diverses, profondes, surplombant l’espace-temps, ces pages forment une possible carte de vie qu’on pourrait rassembler dans un cahier à consulter pour savoir où aller. Viatique pour ne pas se perdre et, ultimement, ne pas perdre l’amour. A Love Supreme, bien sûr.  

Les épisodes "twitter" un peu décalés avec un mystérieux correspondant D4rkD4d4 illustrent la pratique des réseaux sociaux par Jean-Baptiste, elle apparaît surtout ludique, dérivative, à coups de perche et d’astuces tendues (bons mots, double-sens, références). Et quand l’épisode en miroir se termine, c’est presque étrangement, et il semble bien que le retour à l’essentiel ait pris le pas.   

 Au fil de Rivière, on se réjouit aussi de retrouver certaines références, des clins d’œil parfois malicieux,ce sont comme des correspondances, presque des lettres à l’encre sympathique qui scellent la complicité entre auteur et lecteur. Les voisins s’appellent Poirier. 
 
Dans Rivière, s’il y a quelques légères touches d’humour, le ton est à la mélancolie, sans qu’elle enferme et assèche.Non, elle appelle à la vie, c’est ce que fait Jean-Baptiste qui jardine, avec son chien Alpha, qui aide ses voisins avec lesquels il se lie peu à peu et de plus en plus. Dans ces moments-là, on mesure combien Jean-Baptiste est un personnage attachant.
Et il y a l’écriture, ce sens de l’observation, fine, aiguisée qui sait dire au plus près. 
On voit et sent les paysages, les plantes aquatiques, les arbres, le jardin.  
Et que dire de ce « lyrisme contenu » (cité en 4e de couverture) : il y a une intensité, une émotion peu communes. Simple. Juste. Sobre.   

J'y apprécie une fois de plus au plus haut point l'absence d'effets de manche, l'épure où me semble-t-il l'émotion qui nous touche naît des mots posés et ajustés avec un soin patient et de ce qu'ils nous décrivent et nous racontent.

Rivière, on s’y baigne, le flot en est étonnamment paisible, d’une sagesse fluide et mélancolique, ode à une vie simple, d’humanité au quotidien.

Je remonterai à bord pour lire Rivière, c’est sûr, un peu comme on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve. J’ai même déjà commencé !

Et rien ne dit que je ne planterai pas un jour un gingko biloba.