Il est né le divin enfant.
Ou alléluia.
Tel fut, nous dit-on, le
cri de joie et de soulagement unanime -à défaut d’unisson- que poussèrent ses
parents (en essayant de chanter) lorsque Wolfgang von Apfelstrudel vint
au monde, potelé tel un chou à la crème et parsemé de quelques
rougeurs de clafoutis.
Pour sa famille, en ce moment important, c’était déjà l’Ardéchois. Une famille peu conventionnelle.
Et peu argentée.
Sa mère Maïwenn Kouign amann avait piqué un far en rencontrant ce mercenaire bavarois sentant bon le sablé chaud. Son père, puisqu’on en parle, se prénommait Gunther, sa propre mère était de la vieille lignée des Bretzel. C’était un ex-mercenaire défroqué que le rata à base de crème brûlée et de brioche rassise avait fini par dégoûter des gozettes sans fin au bivouac et lui avait fait -aussi- rendre les armes.
Toujours est-il que son
charme opéra et Maïwenn connut un moment merveilleux.
C’était dur, ils avaient peu de moyens, touchés par la hausse des spritz.
Privations, économies,
la rigueur au plan financier n’était rien d’autre que de la pauvreté.
De là à en faire des mendiants,
c’est un pas qu’ils ne franchirent pas, même si c’étaient des semelles en crêpes
chaudes qu’ils enfilaient pour ne pas avoir froid l’hiver.
Chez eux, la gâche
c’était un nom mal identifié, mal compris concrètement, loin d’une réalité
comestible trébuchante. Un vocable de plus indéfendable dans une famille
tournée vers le comptage un à un des bouts de ficelle. Et inutile de dire qu’il
n’y avait jamais de pain perdu.
Wolfgang ne connut pas sa sœur aînée, Charlotte, qui n’avait pas survécu.
Mais cette épreuve
n’avait pas pour autant tourné la famille vers la fouace.
Enfant, il ne fut pas
trop malheureux. Il était souvent dehors. Le garçon jouait avec des vieilles barquettes
sur l’étang près de leur masure. Sauf en cas d’inondations.
Wolfgang avait un perroquet, un mélange inédit de gentleman et de diplomate qui savait parler mais s’en abstenait. On l’appelait concorde. Il était friand de cake, ça tombe bien, il n’y en avait pas. Et ça lui clouait le bec.
Par chance Wolfgang
avait aussi un chien, un bichon couleur citron, c’était un chien peu
courant qui dormait tout le temps, une vraie bûche, le spécialiste d’un
Noël permanent. Une sorte d’ambassadeur de la glande.
Le sens de la débrouille
de papa Gunther était donc fort utile, surtout quand il cambriolait un cirque.
Wolfgang jouait de la flognarde dans les bois, le seul endroit où on ne lui jetait pas de pierres.
Toujours très tôt, tel
un Chanteclair forestier.
Son talent limité fit
que les riverains évitèrent la forêt noire, presque hantée aux
dires d’un voisinage malveillant, peu mélomane et raciste toujours prêt à
trouver un bouc émissaire en forme de tête de nègre. Ce
qui dépassait franchement les cornes de gazelle.
Pendant ses études, il passa bon gré mal gré les échelons.
Même si on lui fit
comprendre régulièrement qu’il ne valait pas un clou, ou le prenait pour un gland,
cela le laissa marbré et il s’en moka, cela ne contraria pas sa
volonté de devenir tapissier.
Dans des circonstances plutôt croquignoles, Wolfgang rencontra Madeleine Vacherin, jeune femme magnifique, à la peau dorée comme un pain d’épices (il le sut un peu après). C’était une ex-religieuse qui avait renoncé aux pets-de-nonne.
Cela se passa sur la
ligne Paris-Brest, il lui prêta ses oreillettes. Ils
furent très vite sur la même longueur d’onde.
Ce mélange fluide et inopiné de cérumen fut une rencontre qu’ils
s’accordèrent plus tard à qualifier « d’un peu profiterock and roll ».
Excusez du peu. Un
éblouissement. Un éclair ?
Il en resta sur le flan.
Longtemps. De sa place, cela faisait un moment qu’il la voyait de quatre-quarts.
Fondant littéralement pour elle.
Peu après, il put le lui
dire et elle ne se fit pas prier. Ils prirent une chambre et quelques saint-Honorés
plus tard, il s’occupa de ses miches, elle aussi, et c’est quand il lui
chanta « Tiramisu mon oumar » qu’il comprit que sa vocation de
tapissier serait contrariée par sa dyslexie.
Tout finit en chaussons. Ou presque.
Il devint donc
pâtissier.
Et il créa sa tarte
« tatin le nirvana ».
Tout ça, Jean-Michel, c'est du gâteau !
RépondreSupprimerBon week-end
Mon côté bonne pâte, peut-être !
SupprimerTon texte est délicieusement "fondant" mais il manque un élément essentiel, les "petits suisses". Car le père de Wolfgang, quand il était mercenaire, avait rencontré beaucoup de Suisses qui l'étaient aussi et qui n'étaient pas très grands. Mais ceci est une autre histoire. Tout ce que je peux dire, c'est que cette histoire est partie en sucette. Peut-être que tu nous la raconteras un jour. Bises alpines.
RépondreSupprimerAh la version suisse, c'est parfait !
SupprimerMince... je crois que mon commentaire n'a pas passé.
RépondreSupprimerSi.
SupprimerQui vivra...verra. :-)
RépondreSupprimerOn voit. Tout va bien.
SupprimerUne famille accueillante, dites-moi ! Vous vous en donnez à cœur joie au royaume de la pâtisserie. En tout cas, on sourit à cette histoire croquignolette même quand on aime pas les gâteaux, comme moi ;)
RépondreSupprimerQuelques problèmes d'estomac peut-être 😁
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