dimanche 27 avril 2025

Mois de mai : ralentir !

Le mois de mai étant le mois  de mai, il y aura un changement de rythme dans la parution des billets texturés avec un passage à l'hebdomadaire les 5, 12, 19 et 26 mai. Le lundi donc.  

En juin, retour vraisemblable au rythme habituel tous les 4 jours ... et par conséquent, bon mois de mai ! 


Cela ne m'empêche pas toutefois de publier la liste de mes lectures de ces 4 premiers mois de l'année 2025. 


LECTURES 2025

Janvier – février – mars – avril

Underworld USA

James Ellroy

Poche 915 pages

à

 

 

 

 

Dernier volet de la trilogie, j’avais lu l’an dernier en format poche American Tabloid puis American Death trip deux pavés de 800 et 950 pages, le dernier étant à 920.

Un peu d’usure de ma part, un peu moins réussi peut-être, et surtout véritable brûlot de haine, le dernier tome reste cependant dans la lignée, très dense, avec une écriture coup de poing au cordeau. Tout se croise, les fils sont nombreux et c’est aux environs de 700 pages que je me suis mis à apprécier -enfin- le rythme car les derniers chapitres où tout s’emballe et se dénoue sont … emballants !

La trilogie c’est une somme, une fresque incroyable qui couvre en tout quinze ans (1958-63, puis 63-68 et enfin 68-72). Souvent glauque, pas de dentelle, noir c’est noir.

La lune est blanche

Emmanuel et François Lepage

BD 256 pages

à

 

 

Expédition au pôle sud. L’Antarctique, extrêmement hostile, y est un personnage à part entière. Très bien documenté, le récit de l’expédition (un rêve pour les deux frères Lepage) est prenant, un incroyable moment de rencontres et de partage avec des personnalités variées, tous des scientifiques en mission. Humain. Excellent.

Cache-cache bâton

BD Emmanuel Lepage 300 p

àà

 

 

L’auteur a vécu dans une communauté étant enfant à partir de 5 ans jusqu’à 9 ans. Il raconte. Va voir les membres fondateurs. Instructif. Humain.

La bd est un magnifique témoignage qui réserve des surprises, la mouvance du catholicisme social, par exemple m’était étrangère ou presque. Quelques familles, militantes, passent de la théorie à l’action, en faisant vivre au mieux leurs convictions. On découvre aussi l’action d’un prêtre engagé et charismatique. L’auteur rencontre en fait tout le monde, parents, amis, et découvre sur quoi tout cela était fondé et comment cela a pris fin.

Elizabeth Finch

Julian Barnes 250 p

Alors qu'il est entre deux mariages, et aspire à devenir comédien, Neil, notre narrateur, a un professeur : Elizabeth Finch (E.F), une « femme si gracieuse et posée », « une lueur radieuse dans (s)a vie ».  « Elle se tenait devant nous, sans notes, livres, ni trac ».

Un livre qui démarre bien, centré sur la relation entre Neil et EF, illustrée par des extraits de cours, des échanges, et puis « faux espoir » – Elizabeth Finch, morte lui a légué ses carnets- on se retrouve dans la vie et la pensée de Julien l'apostat, sujets étudiés par la professeure.

Un sujet qui tout honorable qu’il soit ne m’intéresse absolument pas, et ce n’est pas le mode de narration qui m’en a rapproché.

Bref, une ambiance pavé crypto-universitaire, touffu, plein de références difficiles à maîtriser, ce qui m’a lentement et sûrement coupé du roman. 

Eden

Audur Ava Olafsdottir

Roman 224 p

Alba, linguiste islandaise spécialisée dans les langues locales en voie de disparition, décide d'un retour à la campagne. Culpabilisée par son empreinte carbone, elle s'engage à planter 5600 arbres dans son nouveau coin de terre. C'est son installation d'ex-urbaine dans un nouveau milieu que nous allons suivre pas à pas ainsi que ses relations avec ses voisins ruraux et un jeune migrant qu'elle accueille, tout en restant très proche de son père, très présent dans ce changement de vie.

La narratrice nous conte volontiers par le menu ses pensées et ses actions, cela passe de façon assez fluide et relâchée du coq à l’âne, il y a parfois quelques pauses purement linguistiques sur la langue islandaise qui nous éclairent sur cette culture, forcément.

Le tout baigne dans un optimisme à la fois surprenant et un peu déconnecté, ce qui est peu un comble quant aux problèmes complexes (climatiques, migratoires) qui sont abordés ou plutôt évoqués.

Un ensemble agréable à lire mais sans grand relief et loin d’être convaincant, qui souffre en partie de ma lecture précédente d’Olafsdottir « Or » absolument magnifique. J’aurais peut-être dû m’en tenir là !

Matin brun

Franck PAvloff

Très courte nouvelle

à

 

Une courte nouvelle, les temps qui courent, le totalitarisme et les chemins détournés qu’il emprunte pour s’exercer, en manipulant et en anesthésiant.

Est-ce que cela vous rappelle quelque chose, de loin comme de près ?

Bristol

Jean Echenoz

200p

 

 

à

 

Bristol, Robert Bristol, est un metteur en scène malchanceux qui, à la demande de la riche romancière à l'origine du scénario, doit prendre une jeune femme comme actrice principale, jeune femme qui s'avère inadaptée au rôle et fait couler le film...

Etonnant bal des perdants, le cinéaste est vraiment limité, le roman adapté est d’une faiblesse insigne, le tournage en Afrique est une épopée où rien ne marche, une cascade en avion en étant le point d’orgue… Bref l’intrigue est un joli prétexte pour Echenoz de s’amuser et nous amuser, le cocasse côtoie l’inattendu et l’absurde, les situations les plus improbables s’empilent dans un délire foutraque servi par une écriture plus que jamais au cordeau.

Un dérèglement général pince-sans-rire qui retombera malgré tout, encore une surprise, sur ses pieds.

Donc, le pied.

Le collectionneur d’oreilles

Esteban Bedoya

Roman 190 p

à

 

La Paraguay entre traditions et peuples d’origine, les indiens, et la bourgeoisie qui s’accommode si bien des nazis pseudos-repentis et cachés.

C’est cinglant.

Soixante-neuf tiroirs

Goran Petrovic

Roman 365 p

ààà

 

Les pioches sont bonnes ces derniers temps et j’ai été littéralement enchanté par ce roman admirablement conté qui nous emmène dans des espaces oniriques et un peu étranges où la réalité et la littérature ont des limites fort difficiles à cerner. Le pouvoir de suggestion et d’évocation de la lecture permet des rapprochements inattendus, inouïs lorsque deux personnes lisent le même livre, celui-ci devenant même un lieu de rendez-vous. Magnifique. 

Cherokee

Jean Echenoz

250 p

à

 

Georges Chave, né à Ivry-sur-Seine le jour de la bataille d'Okinawa, est domicilié à Paris dans le 11e arrondissement. Il vit de peu, meuble son existence d'une activité de bars, de cinémas, de voyages en banlieue, de sommeils imprévus, d'aventures provisoires ; écoute souvent des disques américains. L'un de ces disques lui manque, une version rare de Cherokee, qu'on lui a dérobé il y a dix ans. Tout cela n'est rien, mais il s'en contente jusqu'à ce que Véronique surgisse dans sa vie. Dès lors, Georges s'agite un peu.

La trame de cette histoire est passablement embrouillée, l’écriture d’Echenoz encore et toujours est absolument lumineuse, certaines descriptions de Paris et ses environs valent vraiment le détour et on ne manquera pas d’apprécier une ode décalée aux moyens de transport, nombreux et variés qui jalonnent les aventures des personnages.

Pas extraordinaire mais on passe un bon moment.

Les enfants disparaissent

Gabriel Banez

190 p

àà

 

Vieil horloger paralytique, Macias Möll a deux passions : réparer des montres et dévaler la pente de la petite place sur son fauteuil roulant avec l’objectif d’améliorer son chronomètre. Or, après chaque nouveau record, des parents signalent la disparition d'enfants. Les autorités ne tardent pas à s’intéresser à cet étrange phénomène qui projette, bien malgré lui, le discret horloger sur le devant de la scène.

 

Enigme policière, Je pourrais même dire fausse énigme policière, qui nous emmène du côté de la perception de la réalité. Beaucoup d’images, de symboles, l’horloger est un possible paria, et il y a la fuite du temps et la perte de l’innocence, on ne peut mieux résumée dans les pensées du commissaire : le temps est une équation et un désir.

Très belle ambiance. Etrange, rêveuse, et aussi malaisante, car l’Argentine malheureusement a une histoire dramatiquement chargée…

Le petit verre de ces dames

Alfredo Bryce Echenique

Nouvelles 200 p

Outre la nouvelle qui donne le titre au recueil, j’ai lu « Les grands hommes sont comme ci. Et aussi comme ça. »

Vraiment foutraque.

Petits travaux pour un palais

Laszlo Krasznahorkai

108 p

Un livre court qui ne contient qu’une phrase, selon le système du « flot de conscience », c’est souvent heurté dans la lecture, je me suis accroché car la difficulté entre les interruptions c’est de reprendre le fil, et malgré cela, j’avais « deviné » la chute.

Pas totalement convaincant pourtant, au bout du compte.

Mascaró, le chasseur des Amériques,

Haroldo Conti

ààà

 

Magnifique.

Lorsqu’il décide de quitter son modeste village de pêcheurs, Oreste ne se doute pas encore que sa vie est sur le point de suivre un nouveau cours. Car le destin met bientôt sur sa route Mascaró, cavalier noir porteur de messages mystérieux, ainsi que le Prince Patagon, artiste majestueux, exubérant, solaire. Et quand le Prince prend Oreste sous son aile et lui propose de racheter un vieux cirque miteux pour fonder le Grand Cirque de l’Arche, la magie opère : dans les bourgades misérables qu’il traverse, le cirque présente des spectacles grandioses et fait souffler un vent de fantaisie et de joie. Grâce à la petite troupe de vagabonds célestes qui le compose, un émerveillement libérateur allume des étoiles dans les yeux des spectateurs et fait renaître l’espoir. Jusqu’au jour où ce cirque subversif finit par attirer l’attention des autorités.

Avec ce roman lumineux, Haroldo Conti célèbre l’amour de la vie et l’art qui réenchante le monde, la liberté, la fantaisie, et nous rappelle qu’aucun pouvoir, aussi absurde et répressif soit-il, n’empêchera jamais les hommes de rêver de liberté.

Un très beau roman, inventif, intense et plein de grâce.

Manuel de la parfaite crapule

Rafael de Santa Ana

à

 

Un régal, fruité et picaresque, qui réjouira la apprentis aigrefins. Le livre se veut un guide, véritablement, avec des conseils.

Une belle acidité complètement amorale.

Pince-sans-rire, réjouissant et fûté.

Lac

Jean Echenoz

190 p

à

 

J’ai lu dans ce pseudo roman d'espionnage réjouissant les aventures de Franck Chopin, agent secret doté d’une couverture plus qu’incertaine à savoir entomologiste spécialisé dans l'étude des mouches qu’il équipe de micros pour espionner. Rien que ça déjà… !

La galerie de personnages n’est pas triste, l’ensemble – genre oblige- reste mystérieux, opaque, énigmatique.

Loufoque et ironique souvent, mais avec un grand sérieux, ce qui souligne le côté foncièrement désenchanté.

Paco les mains rouges

BD 2 tomes

Fabien Vehlman-Eric Sagot

 

à

 

Merci Paula.

Ancien instituteur, Paco les Mains rouges, surnommé ainsi parce qu'il a commis un crime de sang, a été envoyé au bagne en Guyane. Sur place, il doit affronter la réalité d'un monde carcéral où règne la loi du plus fort, où il est question de survie à chaque instant, et tout cela sans avoir le moindre espoir de sortir libre... Un récit marquant et bouleversant.

 

La Guyane, le bagne, l’enfer sur terre. Un récit prenant, je n’ai pas décroché quand j’ai empoigné l’ouvrage.

Système organisé dans le système pour non pas survivre, mais pour ne pas mourir trop vite… Un monde parallèle de trafics, violences, l’inhumanité et la cruauté comme seuls moyens de rester tristement vivant. 

Déchirant. Paradoxal. Etouffant.

Le dernier atlas

T1 T2 T3

232, 232 et 256 p. 

(Vehlmann, Tanquerelle, De Bonneval, Blanchard) 

à

 

 

BD ou roman graphique, avec un quatuor nantais à la baguette ! Un excellent mélange SF Uchronie et politique comme un cocktail…molotov qui nous pète à la gueule.

Du rythme, c’est haletant et intense.

Des robots géants, les Atlas, ont contribué à bâtir des villes entières avant d'être soudainement mis à la casse. La raison de ce revirement n'est pas très claire… Je n’en révèlerai pas davantage.

Ce qui est vraiment bien vu dans le scénario c’est le décalage dans le temps de certains événements historiques (ex : Guerre d’Algérie) les choses nous sont donc familières (on a des repères, comme une boussole qui indiquerait le nord-est) mais elles sont faussées, elles sont réutilisées ou revisitées dans la fiction, ce qui amène une belle étrangeté dans l’histoire. De là à nous questionner sur la masse d’informations au quotidien dans le monde où nous sommes plongés… La réversibilité de la proposition est piquante. 

Une réussite.

Les braves gens ne courent pas les rues

Nouvelles 288 p.

Flannery O’Connor

Jamais lue jusqu’ici. Dix nouvelles, variées, certaines vraiment courtes. Globalement c’est assez daté, ça se passe après la 2e guerre mondiale aux USA dans les états du Sud. Il y a deux tendances, certains récits sont assez improbables, on se demande un peu quoi faire avec. Et peu à peu, on est apprivoisé, c’est l’autre tendance, on devient plus familier du style et de la description d’une ruralité brute si ce n’est brutale, plutôt triste et marquée par la bêtise, l’intolérance, notamment.

Ces nouvelles, pas inoubliables de mon point de vue, dégagent toutefois une curieuse ambiance d’inconfort avec une propension à gratter qui n’est pas négligeable.






samedi 19 avril 2025

Littoral

 


Ici pas de paquets d’eau,

Pas de sac de ressac

Les vagues réussissent toujours à échouer

À plat, léchant le sable,

Désirant la dune et la lune  

Elles s’en vont et s’en viennent

Partent sans laisser d’adresse

Même à la laisse de mer

Inlassables

Elles sont le bruit du temps

Le vent les trouble parfois

Et l’écume du tic au tac

Eclabousse les secondes

Eparpille les instants

Sel et sable emmêlés

 


mardi 15 avril 2025

Kit ou double

 Les défis étaient monstrueux de complexité dans cette consigne où l'hybridation sans doute matinée de trichette, de pirouette et d'astuce avait (et a eu soyons franc) toute sa place...

Ecrire un texte qui ne sera pas une histoire mais :
- soit un mode d'emploi (d'appareil, machine de votre choix)
- soit une notice de montage (meuble, jouet... de votre choix)
- soit des conseils de beauté ou de diététique

Fastoche non, oui sauf que ...il fallait caser - c'est parfaitement cohérent- le maximum de mots d'une grille de scrabble dans son écrit...

Accrochez-vous, c'est parti.





Kit ou double
  1. Commencez un jeudi sur air de qin.
  2. Ne dépassez pas minuit, sinon tirez les rideaux.
  3. N’ameutez pas vos voisins vigilants, jaloux, à la gifle facile.
  4. Saisissez-vous du folder.
  5. Si vous avez choisi le modèle bleu, passez directement à la page 6,
  6. Et si vous ne parlez pas l’étranger, s’il est trop tard pour se raviser, allez cependant en page 11.
  7. Regardez attentivement les trois modèles de yawl présentés.
  8. Assurez-vous qu’ils sont représentés en mer, avec des vagues.
  9. Cochez celui qui a assuré la livraison.
  10. Procédez à l’identique avec les quatre cars de la page suivante.
  11. Assurez-vous que les quatre véhicules sont tous souillés de chiures anales monstres d’oiseaux migrateurs.
  12. Essuyez puis cochez ce que vous voulez.
  13. En principe aucun car n’a assuré la livraison. Si ce n’est pas le cas, demandez qui kote à l’université de Bruges.
  14. Disposez toutes les pièces à plat devant vous.
  15. Ecartez légèrement la tige C pour la faire béer.
  16. Assurez-vous que l’angle est compris exactement entre phi et 1,618. À cette fin, utilisez le repère HE.
  17. Munissez-vous de votre tronchet fétiche et placez-le pour maintenir cette position.
  18. Allez donc vous étendre trois minutes par précaution : l’opération en son entier est fort délicate et vous pourriez ne pas connaître le kif.
  19. Tirez donc une longue bouffée, deux au max.
  20. N’oubliez pas de revenir.
  21. Munissez-vous de vos deux tronchets remplaçants sur lesquels vous vous placez debout.
  22. Sifflotez moderato la note ut trois fois. Si le tronchet favori cède, reprenez à l’étape 14.
  23. Laissez passer une minute et hurlez « da » legato dix fois. Soyez précis, sinon voir étape14.
  24. Observez la tige C : elle est désormais pourvue des picots verts et jaunes que vous avez activés vocalement.
  25. Appuyez sur la flèche située entre le deuxième et le troisième picot vert, ouvrez la trappe estampillée ME.
  26. Vérifiez qu’aucun picot rouge n’est présent dans la trappe et composez le code D O I S sur le mini-cadenas.
  27. Refermez et lisez l’avertissement page 18 sur le principe d’incertitude.
  28. Placez votre blockschmurlk© verticalement en position d’utilisation.
  29. Si votre montage est correct, il ne tient pas et vous pouvez le jeter.

vendredi 11 avril 2025

Progrès

 


Dessin de Mordillo, 
mot facultatif qualification



Alors qu’ils cherchaient à s’approcher des Andes, non loin de Mendoza, l’explorateur Diaz de Solis et son expédition tombèrent sur un spectacle étrange.

Des hommes curieusement vêtus, non armés, couraient dans tous les sens dans un pré plein de creux et de bosses sur lequel des lignes étaient tracées. Quelques moutons observaient cet étrange ballet avec circonspection.

Etudiant de loin à la longue-vue ce qu’ils prirent pour une coutume ancestrale, Diaz et ses hommes comprirent rapidement qu'un objet semblait être l’enjeu de leurs courses folles.

Plutôt informe, il ressemblait cependant de loin à un sac de jute rempli de chiffons et l’on remarquait vite qu’il était particulièrement difficile à attraper en raison de la configuration du terrain.

L’objet sacré -qualification purement hypothétique- roulait dans tous les sens, au point que peu nombreux étaient ceux qui parvenaient à s’en saisir, du moins à l’utiliser.

Les explorateurs ne comprenaient pas pourquoi les autochtones n’utilisaient pas leurs mains, mais leurs pieds, ce qui ne facilitait pas du tout la pratique. Ils songèrent à une possible pénitence prévue dans cette liturgie dont les règles leur étaient inconnues. De plus, la peuplade prise par ce rituel paraissait ne pas s’en plaindre.

Il y eut même un moment extrêmement perturbant où l’un des hommes tout près de l’objet s’en débarrassa inexplicablement illico d’un coup de tatane monumental pour l’envoyer juste au -dessus de la tête du surveillant des filets de poisson. Ce qui procura une grande joie à certains d'entre eux seulement. Bizarre.

Prudents, mais pragmatiques, Diaz et ses hommes décidèrent de camper à distance sans se manifester. Ils se contentèrent le moment venu d’aller déposer nuitamment, à peu près au milieu du pré déserté, un billot de bois retaillé en cube, comme une offrande anonyme, premier apport de la civilisation du progrès à cette bande de sauvages. 

lundi 7 avril 2025

Why ?

 



Pourquoi êtes-vous là ?

 
Ah non, tu ne me fais pas pas le coup de « être et avoir été » ni celui de "l’être et le néant", 
 
parce que là c’est direct le zéro et l'infini.

Et n'essaie -même pas en rêve- "un seul hêtre vous manque et tout est dépeuplé."

C'est non.

Dis donc, au fait, "Être ou ne pas être" là, je t’en pose des questions ?

Je suis là et même ici. 

Las.

De ci de là, je ne suis pas là pour me faire engueuler, et je pense donc je suis, et au point où j’en suis, je pense que tant que j’y suis, je pige. Tu me suis ?

Et tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien.

Donc ta question est déplacée, et d’ailleurs je ne suis plus là.


(Sur le mode de l'introspection)

jeudi 3 avril 2025

VOUZAVELO

Il se trouve quelquefois des circonstances ou des situations qui laissent à penser que certains de vos interlocuteurs, proches ou lointains, craignent vraiment votre désœuvrement, veulent aider à votre combat permanent contre l’ennui et pensent qu’il est grand temps d'y remédier et de prévenir cet étiolement irrémédiable.

Et je sens bien maintenant que vous voulez un exemple. 

...

Bon d'accord.  

... 

Il y a quelque temps quelle ne fut pas ma surprise de recevoir une « proposition d’activité » de la part d’un organisme n’ayant – de loin , de près – rien à voir avec le secteur du divertissement, ou du sport, et oublions carrément la culture.

Soyons précis, ce n’était pas exactement une proposition, car je suis déjà en train d’ironiser .

Il s’agissait d’un message dont la teneur m’a immédiatement mis en mouvement, sans que je décroche un sourire, comme on dit quand on n’a pas envie de rire du tout. 

Au point que j’en ai même cherché illico un numéro de téléphone, signe d'un mécontentement certain et d'un agacement pas loin d’être prodigieux. Oui, cela m’arrive.

Allons plus loin, cela a un rapport avec l’eau, mais vous vous méprenez -et c’est carrément froid- si vous pensez à la météo. 

Il est question ici de la société privée qui nous distribue l’eau -que nous appellerons sous le nom de code VOUZAVELO- et qui est chargée deux fois par an de relever le compteur pour établir sa facture qu’elle ne manque pas -aucune surprise- de nous adresser ensuite.

VOUZAVELO m’interpelle dans ce message en indiquant que c’est la deuxième fois consécutive «qu’ils» n’ont pu procéder au relevé du compteur, qu’en conséquence la facturation sera purement estimative et plutôt calculée sur une base haute, quitte à opérer un remboursement après, tout en menaçant d’une pénalité et d’une éventuelle coupure.

Mon sang ne fait qu’un demi-tour, il faut dire que tous les ingrédients qui s’insupportent sont réunis en un seul message, excusez du peu.

Quelques minutes plus tard, je tombe donc sur une dame au téléphone. Après les présentations et vérifications d’usage, on en vient au cœur du sujet. J’indique en quoi consiste le courriel reçu.

 
Et j’y vais : je ne comprends pas pourquoi, puisque c’est la deuxième fois consécutive, une approche différente n’a pas été tentée. 
Toujours soucieux d’efficacité, je soumets une idée assez pragmatique: sonner. En effet, il y a une sonnette. Assez révolutionnaire non?

Dans ma grande bonté, je précise que de plus, et je dois convenir que c’est vraiment extraordinaire, elle fonctionne. Et merci de transmettre.

Je continue en indiquant qu’après un grand chelem de quinze années consécutives où il n’y a jamais eu le moindre problème, le relevé d'eau ayant été effectué et la facture reçue et acquittée, je comprends mal la situation actuelle d’autant que le compteur d’eau est toujours au même endroit, ce que j’ai par précaution encore vérifié ce matin.

Je me demande sans le formuler si je ne vais pas leur conseiller un sourcier.

Je fais donc part -vous l’aurez compris- de ma grande surprise.

Par ailleurs, je précise – plein de bonne volonté- que j’en ai profité pour faire le relevé moi-même et que si elle veut je peux lui donner les chiffres. 

C’est justement ce que j’allais vous demander, dit-elle.

Oui, je dois bien avouer que j’avais deviné que, dans leur incommensurable professionnalisme sans faille, ils allaient me solliciter.

Conclusion de l’entretien, la dame me dit, je fais remonter.

J’espère in petto qu’elle parle et de l’info et du niveau de sérieux, en étant coupablement optimiste. 

Puisque, un peu plus tard dans la journée, je reçois un sms indiquant que « dans la semaine du tant au tant un rendez-vous sera proposé pour procéder au relevé du compteur ».

A ce jour, soit une dizaine de jours plus tard, ce rendez-vous n'est toujours pas proposé, et j’allais dire "bien sûr". 

Bon, j'ai gardé noté le numéro de téléphone. Une intuition.

Inutile de vous dire que j’attends la prochaine facture avec impatience. 

Tout comme le futur relevé en août...