dimanche 14 décembre 2025

Le visiteur inattendu

 D'après la consigne, un personnage principal, des photos, des sensations...


Le visiteur inattendu
 
Il venait de prendre place face à moi, s’asseyant à mon invitation, il avait été introduit comme il se doit par la secrétaire.
Élégamment vêtu, il n’était pas très grand.
J’avais reçu quelques jours auparavant me semble-t-il une demande d’entretien par courrier. 
Il avait posé son chapeau et sa canne.
 
Il sortit un grand carnet de son porte-documents au cuir usé et, sans cérémonie, me le tendit, sans doute était-ce l’objet de sa visite.
Je le remerciai mais n’osai pas avouer ne plus me souvenir de son nom, il n’avait même pas donné sa carte.
Je fis tourner doucement l’objet -plutôt luxueux- dans mes mains, certaines feuilles dépassaient, plutôt épaisses, apparemment détachées, je perçus une vague senteur de santal…
Je n’ouvris pas sans son autorisation et le lui rendis. Il compulsa rapidement le carnet et en tira une photo qu’il m’invita à observer. Je remarquai au passage ses mains soignées. Etrangement il ne parlait pas.
 
Je portai mon attention sur le cliché en noir et blanc, une scène … où je le reconnus !
Il se tenait debout près d’une magnifique voiture, une Lagonda, comment connaissais-je ce modèle je ne sais pas, lui était vêtu d’un complet marron, la photo présentant une version plus jeune de l’homme assis à face à moi.
Que me voulait-il et en quoi étais-je concerné ?
Était-ce un ami d’enfance, cela semblait si loin et pourtant son allure ne me semblait pas inconnue.
 
Ses motifs étaient mystérieux, je voulus lui en faire la remarque mais je n’en eus pas le temps.
Une deuxième photo avait déjà été glissée devant moi sur le sous-main.
C’était un portrait de groupe que je me mis à examiner en prenant tout mon temps, j’avais le sentiment qu’il ne m’interromprait pas. Bien que cette photo fût postérieure à la précédente, là encore je le reconnus instantanément, au premier plan, toujours tiré à quatre épingles, avec quelques années de plus, et quelque chose dans l’attitude que je qualifierai de grande confiance en lui.
Sa posture, index tendu, laissait penser qu’il avait été immortalisé sur le vif en train d’expliquer quelque chose.
La pièce où tout le monde se tenait ressemblait à un petit salon, divers boissons et verres étaient visibles, ainsi que des cendriers. Dans l’auditoire supposé, deux femmes ravissantes appartenaient à en juger par leur tenue à la haute société, trois hommes présents aussi, fumant cigare ou cigarette, mais je ne pus rien déduire des relations des uns et des autres. Je n’arrivais décidément à rien, je ne comprenais rien.
Trop crypté.
Ma perplexité croissait et le silence de mon client ne l’atténuait en rien. 
J’avais déjà prévu que la photo suivante ne traînerait pas, et ce fut le cas.
Cette fois-ci je le retrouvai, toujours lui, seul et un peu indistinct sur un quai de gare, de nuit.
La photo vous happait d’abord par les volutes de fumées qui formaient un halo d’irréalité.
Je poursuivis mon examen. Cela allait-il durer longtemps, allait-il enfin se décider à m’en dire plus, surtout si l’on se connaissait …alors qu’hélas je ne me souvenais de rien.
Pris d’une brusque inspiration, je sortis ma loupe du tiroir. Ces moustaches…  
« Oh, mon ami, mais c’était moi ! »
 
Un geste inconsidéré et le bruit de la tasse de thé à la camomille roulant sur le bureau me ramena à la réalité.
Par chance, elle était vide. Par contre j’étais seul.
Retiré. Désœuvré. Loin de ma gloire passée.
Et pourtant Poirot le plus grand détective du monde avait encore de « beaux restes ».

 


1 commentaire:

  1. Poirot a fait un mauvais rêve ! à moins que ce soit tout autre chose...Il est bien connu en effet, que le thé à la camomille, bu à très fortes doses, peut avoir des effets dévastateurs, notamment pour la mémoire !

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