mercredi 13 mars 2024

Oulipien - 2024

Il y a aujourd'hui un peu plus de dix ans que je fréquente le site Zazipo 

Chaque année, je m'empresse d'aller voir qui est l'Oulipien de l'année. 

Un auteur dont le texte proposé va se faire essorer par les textes dérivés des contributeurs amateurs de contraintes ludiques plus ou moins perchées, claires ou absconses. 

Il y a là de l'hyper-technique qui me réfrigère beaucoup mais aussi quelques pépites qui valent le détour.

J'ai fait l'impasse pendant quatre ans, de 2015 à 2018, sans doute peu inspiré et peu disponible, avant d'y revenir assez intensivement de 2019 à 2022. 

Il apparaît que j'entame une nouvelle période de "creux" depuis 2023 (un texte envoyé) et cela me semble bien parti pour se poursuivre en 2024 (deux textes). 

Je mets en lecture mon second texte qui utilise une contrainte appelée "99 notes préparatoires" : 

La forme dite des « 99 notes préparatoires » 
se situe entre le poème et l’essai, 
s’emparant d’un sujet donné et tentant d’en épuiser 
les potentialités par un jeu polyphonique.
Elle n’est pas « contrainte» à proprement parler 
mais a beaucoup à voir avec 
la potentialité. L’obligation d’écrire 
quatre-vingt-dix-neuf phrases sur un thème 
précis la rapproche ainsi d’une tentative d’épuisement. 
Il faut ensuite trouver une 
façon d’ordonner (ou désordonner) ses notes.

 J'aime beaucoup cette forme, je ne sais pas exactement si je l'ai totalement comprise, j'en suis à ma troisième tentative, mais ce que j'en fais correspond à ce que j'en interprète. J'en apprécie la liberté et la légèreté dans le cheminement et, à priori, son immédiate lisibilité, sans clé. 

Voici le "sujet" de départ, suivi de mon texte. 




99 notes préparatoires sur la prise de rue

 

 

 

1.      Prenez une rue est une belle invitation.

2.   Selon l’humeur et le moment, une bonne idée aussi.

3.    Elle ne coûte rien, sans être gratuite.

4.    Ce que contredit légèrement le premier pas.

5.    Qui n’est peut-être pas celui qui vous y conduira.

6.   Certains pourront y déceler une injonction fort péremptoire.

7.    Prendre une rue n’a ici rien de martial.

8.   Ce n’est pas non plus la conquête de l’espace.

9.   Pas même si l’on emprunte la rue une nuit de pleine lune.

10.  Emprunter, tiens, me fait penser que je n’ai jamais rendu une rue que j’avais prise.

11.   La prochaine fois, essayer.

12.  (Je me connais, mieux vaut le noter.)

13.   Alors, poursuivons : prendre une rue au hasard.

14.  Sans remettre à plus tard.

15.  S’en remettre au hasard.

16.  Ce sera près de chez soi, en sortant.

17.  Peut-on prendre la rue où l’on est déjà, celle où l’on vit ?

18.  Peut-être tenons-nous là une règle à préciser.

19.  Evitons pour le moment la prise de bec.

20. Et soit, mettons qu’il y ait une rue, juste là.

21.  C’est sûr, je la vois.

22.  On la prend.

23.  Avec l’idée que le hasard fait bien les choses.

24.  Ce qui est quand même une drôle d’idée.

25.  Pas tant que ça : il y a des idées qu’on donne au hasard.

26. Dans le cas qui nous occupe, l’idée est qu’on n’a pas de but précis.

27.  Du moins je l’ai compris ainsi.

28. Il n’est pas ici question de liste de courses, d’enveloppe à poster.

29.  Aucune démarche administrative bureaucratique et urgente.

30.  Ce type de tâches si balisées et tellement épanouissantes. 

31.   Ici, le hasard monte à bord avec l’impromptu, rien n’était prévu.

32.  J’y pense soudain, on peut même imaginer qu’en ne partant pas de chez soi, c’est tout-à-fait possible.

33.  Ce serait peut-être même plus « facilement hasardeux ».

34.  J’allais en rajouter sur les règles à préciser, j’y renonce.

35.  Prendre la première rue, donc savoir compter.

36.  Avoir pris le bon repère depuis le début, y avoir pensé.

37.  Ne pas faire d’impasse. 

38.  Se tromper, prendre la deuxième, ça pourrait mal se passer.

39.  Fichue « l’aventure au coin de la rue ».

40.  Tiens c’est aussi le titre d’un vieux film où le hasard a fort peu de place.

41.  Alors pas d’erreur sinon le doigt dans l’œil tourne au cul de sac.  

42.  Mort du hasard, finalement.

43.  Mieux vaut s’engager dans la première, un hasard plus sûr.

44.  Ce sera paraît-il la bonne, vous voyez j’ai fini par comprendre.

45.  La plus belle est la rue qu’on fredonne.

46.  Cela n’a rien à voir avec l’art.

47.  Quand la bonne fredonne, en effet.

48. Tiens, il pleut ?

49.  Je me demande ce qu’en diraient les poètes disparus.

50.  Longtemps, longtemps, après.

51.  Prendre la première au hasard, que se passe-t-il si ce n’est pas une rue ?

52.  Il faudrait une fois encore préciser les règles, les tolérances.

53.  Tout le monde n’a pas de rue sous la main.

54.  Même les manchots, ça va de soi.

55.  Honnêtement, cette « rue » fait de l’ombre à ses consœurs.

56.  Allées, promenades, ruelles sont délaissées.

57.  Comme si on les laissait en plan.

58. Les avenues se sentent nulles et non avenues.

59.  Platanes avez-vous donc une âme ?

60. Ceux des grands boulevards ont tant de choses à voir.

61.  A Paris, quel que soit votre nid, 

62. Toutes les rues riment ainsi.

63.  Cela me remet en tête une chanson.

64.  Un toulousain a chanté « Rimes »

65.  Il y parlait de bateaux-mouches et des ponts de Paris.

66. Rimes tristes et rimes riches.

67.  Il avait sûrement pris une rue au hasard.

68. Ses refrains sont-ils chantés dans les rues ?

69. Les chanteurs de rues ont dû s’en charger.

70.  Sans omettre les couplets.

71.  « Au refrain » est une notation sur les partitions.

72.  Je pense que les chanteurs de rues en consultent de temps à autre.

73.  Toutes les rues disent merci.

74.  Je le savais, j’en étais sûr, je l’aurais parié qu’elles sont polies.

75.  Et c’est rassurant de savoir que les rues parlent.

76.  Nous parlent.

77.  Avec leurs plaques disposées à intervalles réguliers.

78. Ce sont un peu leurs badges, non ?

79.  Elles se présentent, elles nous donnent leur nom.

80. Quelquefois elles nous disent quelque chose.

81.  On ne sait plus, est-on déjà passé là ?

82. Quand elles disent merci, les rues polies,

83.  Merci d’avoir chanté,

84. On ne saura pas si c’était juste ou faux,

85. Juste ce qu’il faut.

86. Faut ce qu’il faut.

87. C’est la vie.

88. C’est la ville.

89. Les rues ne disent pas tout que voulez-vous.

90. C’est déjà bien d’avoir chanté.

91.  Elles ne vous diront rien de la ville disparue.

92.  Pas celle du Toulousain.

93.  Y avait une ville, et y a plus rien.

94.  Non, une autre.

95.  A vous de l’imaginer.

96. De la rebâtir.

97.  De la faire surgir.

98. De la retrouver dans les notes que vous avez chantées.

99.  Quand vous êtes passé au hasard.

6 commentaires:

  1. Jolie ballade au fil des rues
    Sans avoir pignon sur rue je sais que
    Longtemps après que les poètes ont disparu leur chanson courent encore dans les rues

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    1. Merci Paula, tes commentaires me sont précieux 😊
      A bientôt
      Jean-Michel
      PS la prochaine parution devrait te rappeler en partie quelque chose...😉

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  2. La rue est plus intime qu'un boulevard, plus ambitieuse qu'une allée, plus ouverte qu'une impasse, moins
    présomptueuse qu'une esplanade, moins écolo qu'un square, mais c'est un lieu de vie irremplaçable, où se rassemblent toutes les énergies, et où s'allument les espoirs, comme autant de réverbères...

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    1. Belle déclinaison Antoine, bravo et merci.👍
      A bientôt
      Jean-Michel

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  3. Les 13, 14 et 15 donnent de l'élan, les 41 et 42 font un peu peur,
    mais pas aux poètes disparus, le s79, 80 et 81 donnent envie de partir
    à la découverte.

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    1. Merci Ghislaine de votre balade dans ce fil de rues !
      A bientôt
      Jean-Michel

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