Il y a aujourd'hui un peu plus de dix ans que je fréquente le site Zazipo .
Chaque année, je m'empresse d'aller voir qui est l'Oulipien de l'année.
Un auteur dont le texte proposé va se faire essorer par les textes dérivés des contributeurs amateurs de contraintes ludiques plus ou moins perchées, claires ou absconses.
Il y a là de l'hyper-technique qui me réfrigère beaucoup mais aussi quelques pépites qui valent le détour.
J'ai fait l'impasse pendant quatre ans, de 2015 à 2018, sans doute peu inspiré et peu disponible, avant d'y revenir assez intensivement de 2019 à 2022.
Il apparaît que j'entame une nouvelle période de "creux" depuis 2023 (un texte envoyé) et cela me semble bien parti pour se poursuivre en 2024 (deux textes).
Je mets en lecture mon second texte qui utilise une contrainte appelée "99 notes préparatoires" :
J'aime beaucoup cette forme, je ne sais pas exactement si je l'ai totalement comprise, j'en suis à ma troisième tentative, mais ce que j'en fais correspond à ce que j'en interprète. J'en apprécie la liberté et la légèreté dans le cheminement et, à priori, son immédiate lisibilité, sans clé.
Voici le "sujet" de départ, suivi de mon texte.
99 notes préparatoires sur la prise de rue
1.
Prenez une rue est une belle invitation.
2.
Selon l’humeur et le moment, une bonne idée aussi.
3.
Elle ne coûte rien, sans être gratuite.
4.
Ce que contredit légèrement le premier pas.
5.
Qui n’est peut-être pas celui qui vous y conduira.
6.
Certains pourront y déceler une injonction fort péremptoire.
7.
Prendre une rue n’a ici rien de martial.
8.
Ce n’est pas non plus la conquête de l’espace.
9.
Pas même si l’on emprunte la rue une nuit de pleine lune.
10. Emprunter, tiens, me
fait penser que je n’ai jamais rendu une rue que j’avais prise.
11.
La prochaine fois, essayer.
12. (Je me connais, mieux
vaut le noter.)
13.
Alors, poursuivons : prendre une rue au hasard.
14. Sans remettre à plus
tard.
15. S’en remettre au hasard.
16. Ce sera près de chez
soi, en sortant.
17. Peut-on prendre la rue
où l’on est déjà, celle où l’on vit ?
18. Peut-être tenons-nous là
une règle à préciser.
19. Evitons pour le moment
la prise de bec.
20. Et soit, mettons qu’il y
ait une rue, juste là.
21. C’est sûr, je la vois.
22. On la prend.
23. Avec l’idée que le
hasard fait bien les choses.
24. Ce qui est quand même
une drôle d’idée.
25. Pas tant que ça :
il y a des idées qu’on donne au hasard.
26. Dans le cas qui nous
occupe, l’idée est qu’on n’a pas de but précis.
27. Du moins je l’ai compris
ainsi.
28. Il n’est pas ici
question de liste de courses, d’enveloppe à poster.
29. Aucune démarche
administrative bureaucratique et urgente.
30. Ce type de tâches si balisées
et tellement épanouissantes.
31.
Ici, le hasard monte à bord avec l’impromptu, rien n’était
prévu.
32. J’y pense soudain, on
peut même imaginer qu’en ne partant pas de chez soi, c’est tout-à-fait
possible.
33. Ce serait peut-être même
plus « facilement hasardeux ».
34. J’allais en rajouter sur
les règles à préciser, j’y renonce.
35. Prendre la première rue,
donc savoir compter.
36. Avoir pris le bon repère
depuis le début, y avoir pensé.
37. Ne pas faire
d’impasse.
38. Se tromper, prendre la
deuxième, ça pourrait mal se passer.
39. Fichue « l’aventure
au coin de la rue ».
40. Tiens c’est aussi le
titre d’un vieux film où le hasard a fort peu de place.
41. Alors pas d’erreur sinon
le doigt dans l’œil tourne au cul de sac.
42. Mort du hasard, finalement.
43. Mieux vaut s’engager
dans la première, un hasard plus sûr.
44. Ce sera paraît-il la
bonne, vous voyez j’ai fini par comprendre.
45. La plus belle est la rue
qu’on fredonne.
46. Cela n’a rien à voir
avec l’art.
47. Quand la bonne fredonne,
en effet.
48. Tiens, il pleut ?
49. Je me demande ce qu’en
diraient les poètes disparus.
50. Longtemps, longtemps,
après.
51. Prendre la première au
hasard, que se passe-t-il si ce n’est pas une rue ?
52. Il faudrait une fois
encore préciser les règles, les tolérances.
53. Tout le monde n’a pas de
rue sous la main.
54. Même les manchots, ça va
de soi.
55. Honnêtement, cette
« rue » fait de l’ombre à ses consœurs.
56. Allées, promenades,
ruelles sont délaissées.
57. Comme si on les laissait
en plan.
58. Les avenues se sentent
nulles et non avenues.
59. Platanes avez-vous donc
une âme ?
60. Ceux des grands
boulevards ont tant de choses à voir.
61. A Paris, quel que soit
votre nid,
62. Toutes les rues riment
ainsi.
63. Cela me remet en tête
une chanson.
64. Un toulousain a chanté
« Rimes »
65. Il y parlait de
bateaux-mouches et des ponts de Paris.
66. Rimes tristes et rimes
riches.
67. Il avait sûrement pris
une rue au hasard.
68. Ses refrains sont-ils
chantés dans les rues ?
69. Les chanteurs de rues
ont dû s’en charger.
70. Sans omettre les
couplets.
71. « Au refrain »
est une notation sur les partitions.
72. Je pense que les
chanteurs de rues en consultent de temps à autre.
73. Toutes les rues disent
merci.
74. Je le savais, j’en étais
sûr, je l’aurais parié qu’elles sont polies.
75. Et c’est rassurant de
savoir que les rues parlent.
76. Nous parlent.
77. Avec leurs plaques
disposées à intervalles réguliers.
78. Ce sont un peu leurs
badges, non ?
79. Elles se présentent,
elles nous donnent leur nom.
80. Quelquefois elles nous
disent quelque chose.
81. On ne sait plus, est-on
déjà passé là ?
82. Quand elles disent
merci, les rues polies,
83. Merci d’avoir chanté,
84. On ne saura pas si
c’était juste ou faux,
85. Juste ce qu’il faut.
86. Faut ce qu’il faut.
87. C’est la vie.
88. C’est la ville.
89. Les rues ne disent pas
tout que voulez-vous.
90. C’est déjà bien d’avoir
chanté.
91. Elles ne vous diront
rien de la ville disparue.
92. Pas celle du Toulousain.
93. Y avait une ville, et y
a plus rien.
94. Non, une autre.
95. A vous de l’imaginer.
96. De la rebâtir.
97. De la faire surgir.
98. De la retrouver dans les
notes que vous avez chantées.
99. Quand vous êtes passé au
hasard.
Jolie ballade au fil des rues
RépondreSupprimerSans avoir pignon sur rue je sais que
Longtemps après que les poètes ont disparu leur chanson courent encore dans les rues
Merci Paula, tes commentaires me sont précieux 😊
SupprimerA bientôt
Jean-Michel
PS la prochaine parution devrait te rappeler en partie quelque chose...😉
La rue est plus intime qu'un boulevard, plus ambitieuse qu'une allée, plus ouverte qu'une impasse, moins
RépondreSupprimerprésomptueuse qu'une esplanade, moins écolo qu'un square, mais c'est un lieu de vie irremplaçable, où se rassemblent toutes les énergies, et où s'allument les espoirs, comme autant de réverbères...
Belle déclinaison Antoine, bravo et merci.👍
SupprimerA bientôt
Jean-Michel
Les 13, 14 et 15 donnent de l'élan, les 41 et 42 font un peu peur,
RépondreSupprimermais pas aux poètes disparus, le s79, 80 et 81 donnent envie de partir
à la découverte.
Merci Ghislaine de votre balade dans ce fil de rues !
SupprimerA bientôt
Jean-Michel